Presque un mois s’était écoulé depuis que James avait appris la grossesse de Marlene. Depuis qu’il était ressorti de l’ancien bureau professoral avec le ventre noué, le cœur sur le bord des lèvres et l’impression que sa vie était sur le point de basculer. Pourtant, rien n’avait changé depuis ce jour-là. Sa vie s’écoulait tranquillement, semblable à celle qu’il menait depuis des années dans ce château. Il continuait d’aller en cours, de travailler – vaguement – ses examens, d’assister aux matchs de Quidditch… Rien n’était bien différent.
Sauf que tout était différent.
Ses proches avaient remarqué que quelque chose avait changé, qu’il n’était plus le même qu’avant. Des cernes s’étaient creusés sous ses yeux – des petits cadeaux laissés par ses nuits sans sommeil, qu’il occupait à lire des articles et des forums à s’en abimer les yeux. Son visage avait perdu sa jovialité habituelle et il était plus maussade, plus pensif. Il n’avait rien dit à personne, évidemment. Certainement pas à Diane, sa petite-amie, ni même à Grady, qui l’observait pourtant souvent à la dérobée. Il avait gardé cette nouvelle pour lui et n’en n’avait jamais reparlé.
Pas même avec Marlene. Il se surprenait pourtant à la regarder fixement parfois au moment des repas ou pendant le cours de Botanique qu’il partageait. Ses pensées agitées conduisaient son regard vers elle et il se perdait dans cette contemplation anxieuse. C’était encore pire depuis une semaine, depuis que la nouvelle de sa grossesse s’était répandue dans Poudlard comme une traînée de poudre. Un matin, Diane s’était installée à ses côtés alors qu’il était en train de mâcher mollement une tartine beurrée. Elle avait ce regard impatient et la mine de celle qui sait quelque chose. Elle lui avait dit : « Tu sais quoi ? Barclay est enceinte ! » et il en avait renversé sa tasse de thé. Le liquide qui s’était déversé sur la table lui avait donné l’excuse parfaite pour lui masquer son expression, et il s’était affairé à l’éponger. Diane avait dû prendre son geste pour de la surprise, car elle s’était lancée dans un long monologue sur comment elle avait appris ce scoop (Samantha qui l’avait dit à Olivia, qui l’avait répété aux filles de Poufsouffle, qui l’avait dit à Georgia, qui le lui avait rapporté.) En une matinée, toute l’école avait été mise au courant. Barclay ! Marlene Barclay était enceinte. Tout le monde ne parlait que de ça : dans les couloirs, dans les salles communes, à la bibliothèque, en classe… Les questions curieuses se mêlaient aux remarques franchement méprisantes : comment pouvait-elle devenir maman maintenant, alors qu’elle était encore à Poudlard ? Est-ce que la directrice était au courant ? Et ses parents ?
Et surtout : qui était le père ?
James avait vécu cette dernière semaine avec l’impression de retenir son souffle. Il avait encaissé chaque remarque sur la grossesse de Marlene sans rien dire – ni pour prendre sa défense, ni pour se joindre aux moqueries – en sentant que l’aigreur dans son estomac devenait de plus en plus importante. Elle l’empêchait parfois de dormir, souvent de manger. Il s’était senti complètement impuissant, pris en étau par des sentiments qu’il peinait à identifier et qui le figeaient sur place. Les jours avaient été terriblement longs, tellement mortifères aussi. Jusqu’à aujourd’hui.
Il avait senti le besoin urgent de faire quelque chose. D’agir, même s’il ne savait pas trop comment. La solitude commençait à lui peser sérieusement et la seule personne à qui il pouvait se confier était celle qui était cible de toutes les moqueries de l’école. Il avait un peu erré dans le château, avant de trouver le chemin des cachots. Il avait attendu à quelques mètres de la salle commune des Serpentard, à moitié dissimulé par une armure en métal. Il avait laissé plusieurs élèves passer, jusqu’à apercevoir Marlene, qui marchait seule dans le couloir. Il eut un instant d’hésitation avant de l’appeler :
« Barclay ! Marlene ! » Il s’avança vers elle sans prêter attention aux regards de deux première année de Serpentard qui rejoignaient visiblement leur salle commune. « Est-ce qu’on peut discuter ? » lui demanda-t-il en baissant un peu la voix. « En privé ? »
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